[Précepte Yang: Plus vous augmentez votre vocabulaire, plus vous augmentez votre capacité de vous exprimer.
Apprenez des mots qui vous parlent; inventez des mots qui vous chantent.]
Voilà bien longtemps que je ne suis plus venue en ce lieu pour parler.
Moins besoin de me confier aux yeux du monde, moins le temps également d’écrire régulièrement.
Ça vous le savez déjà. Ce que vous ignorez sans doute, c’est que je n’ai jamais cessé d’écrire. Non je continue toujours de m’adonner à cette extériorisation, sinon de toute façon il est clair que j’aurais implosé. La vérité, c’est uniquement qu’à présent, j’écris toutes mes pensées et mes confidences sur papier, à une personne que j’affectionne particulièrement. Le pauvre, il vient de recevoir un courrier de 12 pages manuscrites. Et encore, j’ai dû finir en extrême vitesse car je filais le voir. J’étais loin d’avoir tout dit.
Alors pourquoi revenir me diriez-vous ? Simplement, car j’ai remarqué, que lorsque j’écris ces longues missives, je fini par me perdre tellement dedans, que du moment où je l’ai envoyée, j’en oublie tout ce que j’ai formulé à l’intérieur. Je sais à peu près chaque confidence que j’ai faite, mais les détails, le sens exact que j’ai donné à mes phrases ne me reviennent pas ! Et c’est assez dérangeant de savoir que si un jour il vient à me répondre, sachant que c’est déjà la troisième missive du genre que je lui envois, que si il ne me paraphrase pas exactement, je ne serais même pas à quoi il est susceptible de répondre. Donc je viens ici pour laisser une trace de ce que j’ai vécue ces derniers mois. Car oui, nombre de choses sont arrivées. Pardonnez-moi d’avance si les choses partent dans tous les sens, et si jamais je me retrouve plongée dans mes propres pensées, car je serais partie en pérégrinations intérieures sans queue ni tête uniquement pour trouver des réponses.
Oh et ne me pardonnez pas, ça m’est égale, seul une poignée de personne compte pour moi de toute façon.
J’ai déjà parlé de la perte cruelle de mon Héro de Vie. Fray. Dieu que je regrette toutes ces choses qui sont arrivées. Bien sûr je n’aurais jamais pu empêcher sa mort. Après tout, cette femme n’a jamais cherchée à le faucher en sortant du travail, et la pauvre, devra vivre toute sa vie avec ça. Je ne la blâme pas. Pas plus que ses médecins qui ont tout fait pour le sauver. Une septicémie, ce n’est pas la chose la plus habituelle qui arrive après une opération. Pourtant il s’est battu. Comme un diable m’a t’ont dit, pour revenir parmi nous. Mais à un moment il a fini par comprendre. Comprendre qu’il ne s’en sortira pas. Alors il a laissé ses derniers messages pour les vivants. Sa famille, ses amis, sa petite amie, moi.
Qu’elles étaient les chances qu’un jour l’un d’entre eux me croise ? Je n’en sais rien, je n’ai jamais été douée avec les chiffres de toute façon. Mais c’est arrivé, j’ai recroisé l’un d’entre eux. C’est à ce moment que j’ai appris sa mort, un an après les faits. Pour moi c’est comme si ça faisait 10 mois aujourd’hui. Les retrouvailles, qu’il a organisées, pour que chaque membre du groupe me donne le message de Fray, reconstitué dans sa totalité. Et les cadeaux qu’il m’a laissés. Me permettre une dernière fois, de lui rendre hommage. Perdu dans les hauteurs d’Obernai, avec tous ces gens, que je ne connaissais pas vraiment. Il faut dire que je leur parlais peu. C’était Fray qui nous fédérait. Et beaucoup étaient de simples étrangers, sans doute venu après mon départ, mais qui avaient du respect pour lui, et voulait lui rendre ce service qu’il leur avait à tous demander.
Oui, c’était un service qu’il avait demandé à ses gens. Celui de me retrouver et de me passer ses dernières paroles.
Je n’ai pas réussi à tenir debout. J’ai dû m’assoir par terre, tellement le choc était grand, quand ils ont tous sorti leurs bouts de papiers dès fois dans un bien sale état, et qu’ils m’ont lu ces phrases qui m’étaient destinées. J’avais mal. Je me suis mise à pleurer. Je réalisais enfin réellement qu’il était parti. Définitivement parti. Et que sur son lit de mort, la personne à qui il pensait, à qui il voulait transmettre quelque chose, c’était moi, car tous les autres il avait estimé qu’il avait rempli son rôle.
Parfois ils s’arrêtaient attendant que je fasse signe de poursuivre, que c’était bon, que je continuais d’écouter et d’enregistrer les informations. Ils respectaient mon état, et faisaient preuves de patience. Puis arriva le moment où il n’y avait plus rien. Ils m’ont alors donné le présent pour moi. Je restais au sol, anéantie. Ses phrases qui tournaient en boucle dans ma tête, je ne savais même pas ou les mettre. Elle résonnait à mes oreilles, mais ne trouvais aucune place dans mon cœur, dans ma tête ou dans mon âme. Je continuais de pleurer. C’est à ce moment, que le plus improbable s’est produit, ou le plus logique, je ne sais pas vraiment. On m’a relevé de force, et on m’a gueulé dessus comme jamais. Me bousculant, me passant d’une main à l’autre. Je ne comprenais rien, je n’avais pas le moindre réflexe. Jusqu’au moment où j’ai pris un coup dans l’estomac, et là j’ai compris. Toutes les phrases se sont mises en place dans ma tête.
« Sois forte » « Ne baisse jamais ta garde même avec des personnes de confiances tu ne sais jamais d’où peux venir les coups, une erreur est vite survenue » « Personne n’est en droit de te dire comment mener ta vie » « Bat toi pour tes convictions et les personnes qui te sont chères » « Garde la tête tourner vers le ciel même si tu es à terre » « Ne te mens jamais à toi-même » « Un pied devant l’autre, jamais derrière » « Ai foi en l’humanité, c’est ce que l’homme à de plus beau à offrir » «Il n’y a que l’amour qui puisse te sauver, ne pense pas que seule tu y arriveras c’est une erreur, après tous tu es comme moi » « Quoi que tu sois devenu, je suis fière de toi, car tu as continué à vivre » « Si le doute t’envahi, trouve la source et détruis là, la vie est déjà suffisamment compliquée sans » « Choisi toujours le chemin le plus ouvert au dialogue, se battre physiquement, c’est se fermer à son humanité, tu vaux mieux que çà » « Tes poings ne doivent te servir qu’à défendre ce qui t’es cher et que tu ne peux défendre autrement » « Si tu dois t’investir dans un projet, vas-y toujours en donnant le meilleur de toi-même, en excluant même de pouvoir échouer. Si le projet réussi soit fier du chemin parcouru mais ne te repose pas sur tes lauriers. Améliore la chose et va toujours plus loin. Si il échoue, retourne toi dessus un temps, comprends et analyse tes erreurs, puis va ailleurs, recommencer autre chose, mais surtout ne reste jamais tourné en arrière et sur place » « Ce que je te laisse là, est le fruit de mon propre apprentissage. Je te considère comme étant quelqu’un d’unique et d’exceptionnel, du moins suffisamment pour que tu sois resté dans ma mémoire durant toutes ces années » « Tu as une force qui t’es propre même si tu te sous-estime souvent. Tu te sous-estime bien trop, et si moi j’ai cru et je crois en toi encore aujourd’hui il n’y a aucune raison pour que d’autres ou toi-même n’y croyez pas » « Ai confiance en toi, je ne le dirais qu’une fois. Sois prudente, ne prend plus jamais de risques inutiles. Tu dois vivre, et pas n’importe comment. Je veux que tu vives avec le sourire, avec des gens que tu seras capable de protéger, mais qui pourrons également donner leurs vies pour toi, comme moi j’ai pu vouloir donner la mienne. Parce que tu ne mérites que çà, et ceux qui prétendrons le contraire ne te connaissent pas » « N’oublie jamais que pour moi, tu es l’héritière de mes principes de vie, celle à qui j’ai tout enseigné. Trouve quelqu’un à qui les enseigner c’est la plus grande chose que tu auras accomplie, comme tu es la plus grande chose que j’ai accomplie » « On se reverra à la fin de ta vie, faite qu’elle soit longue» « Ton Protecteur devant l’éternel, Fray. »
Oh oui, il y avait tous ces mots, toutes ces phrases. Prononcées par différentes personnes, mais qui pour moi n’avait qu’une seule voix. Celle de Fray. Ce qui affreux, c’est que je me rends compte que je n’ai jamais connu son prénom. Son vrai prénom. Il a toujours été appelé Fray. Et ne m’a jamais dit son vrai nom. Quelque part je trouve ça triste, mais beau.
Quand j’ai pris ce coup dans l’estomac, j’ai réalisé, j’ai compris, que j’étais dans le faux, à pleurer sa mort ainsi, alors qu’il était parti un an auparavant. Ce n’est pas ce qu’il me disait de faire. C’était même tout l’inverse. Je devais lever la tête, et non pas fixer le sol. Je devais esquiver les coups et non pas les encaisser ou y répondre. J’ai arrêté de pleurer, au prix d’un gros effort sur mon mental. J’ai arrêté de vaciller sur mes deux jambes et de me laisser balancer à droite et à gauche. Et j’ai esquivé, comme il m’avait appris à le faire. Ses gens, n’étaient pas seulement là pour être de simples messagers, ils étaient aussi là pour que je le comprenne. En ca, ils ont remplis leur office.
On m’a ramené devant mon appart. Ils m’ont dit adieu, car c’était certains que je n’allais plus les revoir. Je n’avais plus rien à faire avec eux de toute manière, et Fray m’aurait maudit si j’avais tenté d’y retourner.
Un mois est passé, j’étais assommée quoi que je tente de faire croire. Bien que les messages de Fray fussent ancrés en moi, quelque chose m’empêchait de les mettre en application.
Février, réjouie de pouvoir enfin revoir *M* en concert. Une soirée qui devait être magique. Comme toutes celle que je dois passer avec lui. Dans ma tête c’est toujours magique, pleins de sourire et de fou rire, de vannes à deux balles et de grandes tapes dans le dos. Oui, mais non. La réalité est tout autre, et à chaque fois çà me dévore le cerveau un peu plus. J’ai mis du temps à comprendre, trop de temps. Il n’est pas vraiment libre de faire ce qu’il souhaite. Mais qu’importe cette soirée, le plus grave est ce que j’ai appris le matin. Cette terrible nouvelle sur mon état de santé.
Est-ce que je m’y attendais ? Non vraiment pas.
Est-ce que je l’ai bien pris ? Non aucunement.
L’explication sur mes sautes d’humeur, sur mon corps qui me dit merde, sur l’angoisse qui me montait à la gorge. Régler ce problème de santé, ne fut pas des plus faciles. Bien au contraire. C’était douloureux, incroyablement douloureux. Et les conséquences, par la suite, étaient au-delà de mes estimations, au-delà de mes capacités. J’ai juste était complètement aspirée dans cette spirale ignoble que l’on appelle affectueusement dépression.
Je ne remercierais jamais assez mon meilleur ami pour sa présence à mes côtés ainsi que les membres de ma falmille, sans qui je n’aurais pas été en mesure de remonter la pente. Même si ce fut un peu tard. Oui, trop tard d’ailleurs. A cause de ça, j’ai foiré un semestre, totalement, pas de possibilité de revenir en arrière !
J’ai passé des mois dans un état proche du coma, ne voulant rien, ne cherchant rien, sortant à peine de chez moi. En mode crevette sous la couette. Je me dégoutais moi-même au final. Comment une telle chose à t’elle put m’arriver ? Et au final je me répétais sans cesse « Tu l’as mérité ». J’ai bien cru en devenir folle. Mais comme dis, on m’a permis de sortir de ce système de pensé, et on m’a remise sur pied, à peu près, juste assez pour que je puisse me remettre à avancer, même si c’était bancale. De ce fait, sur ces quelques mois, je n’ai rien à dire, puisque je ne faisais rien. Je n’écoutais même plus de musique, j’étais vraiment au plus bas de ce que j’ai pu connaitre. Je ne parvenais même pas à m’énerver contre moi-même ou contre les autres. J’essayais pourtant, de me bouger, de me foutre des claques, mais je n’en avais pas la force. Ce sont les autres qui en ont eu la force pour moi. Qui m’ont trainé dehors, qui m’ont soutenu, voir porter par moment. Qui se sont assuré que je ne sombrais pas dans quelque chose de trop profond pour ne pas pouvoir m’en sortir même avec leurs aides. Ils ne m’ont jamais lâché.
J’en suis sortie donc, pas mal amochée, mais je tenais sur mes deux jambes. C’était déjà bien. Je sortais à nouveau de ma chambre et de mon appart. Mon meilleur ami n’avait plus besoin de me surveiller constamment. C’était les vacances scolaires. J’ai passé mon temps à bosser en extérieur chez mes parents, dans le domaine familial, à jouir de la verdure et de la nature. C’était plaisant, et ressourçant.
Puis y’a eu ce truc de malade qui m’est tombé dessus. Une première chance de repartir de zéro physiquement et moralement. Sans doute le karma qui a voulu rééquilibrer la balance ! Deux places VIP, tous frais payé pour le Sziget Festival.
Holly Gosh ! Pincez moi, j’en reviens toujours pas d’y avoir été un jour ! Et pourtant ! J’ai embarqué mon meilleur ami dans cette folle aventure, et comment dire…c’était le truc le plus puissant que j’ai vécu ! Une semaine non-stop de festival, dans une ambiance de folie, dans un cadre de rêve, avec des gens tout aussi incroyable !
C’était magique. Un vrai sentiment de liberté m’a alors habité ! J’étais hors du temps, hors de l’espace, hors de ma propre vie. Mais putain qu’est-ce que je me sentais vivante ! Enfin, on retirait l’étau qui comprimait ma cage thoracique et qui m’empêchait de respirer à pleins poumons ! Quelle délivrance ! J’pourrais en parler des heures, de cette musique, de cette ambiance. De tous ce que j’ai chantés et criés. De tous ce que j’ai bus et fumés. De tous ce que j’ai dansés et sautés. J’ai rie, encore et encore. Oh oui, je n’ai pas arrêté de rire et de sourire. Non pas parce que j’étais saoule ou complètement stone. Non de ce côté-là aucun problème, j’étais juste bien, vraiment pas d’excès, ce qui est assez surprenant au vu de la manière dont on y allait sans peur. Oui je pourrais vous en parler des heures, mais vous ne comprendriez pas. Car il faut le vivre pour le comprendre ! Oh j’en ai fait des festivals, et des paquets de concerts. Mais non, vraiment, rien à voir avec le Sziget. Il n’y a aucun mot pour le décrire de toute façon. Quand je revois les photos, et les vidéos, quand je réécoute la musique qu’on entendait là-bas, je suis sereine. J’ai tellement hâte d’y retourner, et de pouvoir le vivre encore et encore, sans jamais m’arrêter ! Parce que c’est réellement l’endroit, ou je me sens moi, plus que n’importe où ailleurs.
Mon cœur est resté au Sziget. Et j’y retournerai chaque fois que ce sera possible, et j’y emporterai avec moi des gens qui ont aussi besoin de se retrouver avec eux même.
Parce que çà c’est uniquement ma première partie de l’année, et qu’il me reste encore à parler de la seconde, qui est la plus lourdement chargée émotionnellement parlant.
Il est important que vous compreniez combien en un an les choses peuvent basculer d’un extrême à l’autre et ne pas nous laisser le temps de réagir.
Yankee Mao.
[Précepte Yin: Fuyez le "trop" avant même qu'il ne s'installe:
trop de travail, trop de loisirs; trop de solitude, trop d'amour.
La vérité se situe toujours dans l'"un peu moins".
Telle est la juste mesure.]